19 juin 2014 - Conseil de sécurité - Paix et sécurité en Afrique/Sahel - Intervention de M. Gérard Araud, représentant permanent de la France auprès des Nations unies

Madame l’Envoyée spéciale du Secrétaire Général pour le Sahel,
Monsieur le Président,

Je remercie Madame l’Envoyée spéciale de son intervention et tient à lui exprimer, au nom de la France, notre plein soutien pour mener à bien sa nouvelle mission.

La crise au Mali, qui a mobilisé une grande partie de notre énergie depuis plus d’un an, symbolise à l’extrême les fragilités du Sahel. Quelle est la valeur ajoutée des Nations unies pour aider les pays du Sahel à faire face à ces défis ? La stratégie Sahel des Nations unies doit y répondre en visant trois objectifs.

En premier lieu, la stratégie Sahel des Nations unies doit définir une approche transnationale et commune à l’ensemble des agences.

Une approche transnationale : la réponse des Nations unies aux problèmes du Sahel en matière humanitaire, sécuritaire ou de développement a longtemps été segmentée en fonction des Etats. Cela n’a pas de sens pour répondre à des problèmes transnationaux, qu’ils soient sécuritaires, climatiques ou encore relatifs à la situation des populations nomades du Sahel.

Une approche commune à l’ensemble des agences des Nations unies est également essentielle, dans tous les domaines. Le terrorisme fait son lit des problèmes de gouvernance et de développement. Inversement, les problèmes sécuritaires ont un impact négatif sur la croissance économique des Etats du Sahel. Sans sécurité, il n’y a pas de développement mais sans développement, il n’y a pas non plus de sécurité.

Sur ces deux dimensions, je tiens à saluer le travail accompli depuis deux ans par les Nations unies, sous la coordination du Représentant spécial du Secrétaire-général pour l’Afrique de l’Ouest. Son action a posé les bases d’une approche régionale et intégrée des Nations unies.

Deuxièmement, les Nations unies doivent aider l’ensemble des acteurs à coordonner leurs efforts en faveur du Sahel.

La crise malienne offre le meilleur exemple en la matière. La coordination entre tous les acteurs internationaux ne va pas de soi. Elle est pourtant essentielle pour définir les paramètres d’une paix durable au Mali. Les Nations unies et la MINUSMA ont un rôle clé à jouer dans ce processus, comme l’a rappelé le Conseil de sécurité.

A l’échelle du Sahel, de nombreuses initiatives et forums réunissent les Etats de la région, dans des configurations différentes : CEDEAO, Union africaine, « G5 Sahel », « pays du champ » … En outre, les partenaires internationaux ont développé leur propre approche sahélienne : c’est le cas, par exemple, de la stratégie de l’Union européenne pour le Sahel, des stratégies Sahel de l’UA et de la CEDEAO et de l’initiative Sahel de la Banque mondiale. Nous devons veiller à ce que ces initiatives multiples soient coordonnées de manière efficace.

Dans ce cadre, les Nations unies et vous-même, Madame l’Envoyée spéciale, peuvent jouer un rôle de bons offices pour faire converger les efforts régionaux et internationaux en faveur du Sahel.

Dans ce contexte, la plateforme de coordination de la stratégie Sahel, mise en place à l’occasion de la visite du Secrétaire général au Sahel en novembre 2013 est un cadre unique. Elle est présidée par le Mali pour deux ans et les Nations unies et l’Union africaine en assurent le secrétariat. Cette plateforme est la seule instance qui réunit tous les Etats d’Afrique de l’Ouest et du Maghreb, ainsi que les organisations internationales et régionales concernées.

Monsieur le Président,

Troisièmement et surtout, la stratégie Sahel des Nations unies doit déboucher sur des projets concrets dans tous les domaines.

Dans le domaine de la gouvernance : l’année prochaine sera marquée par un nombre important d’élections au Sahel et en Afrique de l’Ouest, qui constituent autant de tests pour la solidité de ces Etats. Les Nations unies ont pour mission d’aider les Etats qui le souhaitent à organiser ces échéances de manière transparente et crédible.

Dans le domaine de la sécurité : le Secrétaire général rappelle que les attaques terroristes au Maghreb et au Sahel ont progressé de 60% en 2013 par rapport à 2012. Ceci inclut 230 incidents dans toute la région. Comme vous le savez, la France est très impliquée pour aider les Etats de la région. Elle est intervenue directement à la demande des autorités maliennes et en soutien à nos partenaires africains. Le Sommet de Paris pour la paix et la sécurité en Afrique, en décembre 2013, a donné l’occasion aux Etats africains d’intensifier leur coopération pour renforcer leurs capacités sécuritaires et de réaction aux crises. Les Nations unies, pour leur part, peuvent contribuer à cet effort.

Dans le domaine humanitaire et du développement : l’extrême pauvreté est l’une des causes fondamentales des problèmes que connaît le Sahel. Elle se combine avec une démographie en forte croissance, qui pèse sur le développement de ces pays.

En 2014, on estime à plus de 20 millions le nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire dans la région. 5 millions d’enfants sont menacés par un risque de malnutrition grave. Le développement des espaces désertiques doit être un axe majeur de nos efforts, en soutenant le pastoralisme et le développement d’infrastructures permettant de désenclaver ces espaces.

Nous saluons l’engagement des partenaires internationaux dans ce domaine. La décision du BCAH, en février dernier à Rome, de lancer un appel consolidé pour le Sahel de 2 milliards de dollars sur trois ans est innovante. C’est la première fois qu’une telle approche pluriannuelle est adoptée. Elle s’ajoute aux engagements majeurs de la Banque mondiale et de l’Union européenne. La France, premier bailleur bilatéral dans la région, a également décidé d’augmenter son engagement qui atteindra 900 millions d’euros pour les années 2014-2015.

Monsieur le Président,

Pour conclure, je veux plaider pour que la stratégie intégrée des Nations unies pour le Sahel ne soit pas un nouveau document théorique, sans lien avec la réalité. Les problèmes dont souffre le Sahel sont trop graves pour se le permettre. La stratégie des Nations unies doit être véritablement mise au service des Etats et des populations du Sahel et déboucher sur des réalisations concrètes. Je vous remercie.

Dernière modification : 26/02/2015

Haut de page