8 octobre 2014 - AGNU /1ère commission - Débat général - Intervention de M. Jean-Hugues Simon-Michel, Ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de la Conférence du désarmement

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M. Jean-Hugues Simon-Michel, Ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de la Conférence du désarmement, intervient lors du débat général de la 1ère commission de l’Assemblée générale - 8 octobre 2014 - Franceonu photo



Monsieur le président,

Ma délégation et moi-même vous félicitons pour votre élection à la présidence de la 1ère Commission.

Monsieur le président, Mes chers collègues,

Voici deux semaines, nous avons franchi le seuil de cinquante ratifications nécessaire à l’entrée en vigueur, d’ici la fin de l’année, du traité sur le commerce des armes (TCA/ATT). Pour tous ceux, encore nombreux dans cette salle, qui comme moi ont participé à cette négociation, c’est une immense satisfaction. C’est la meilleure illustration du multilatéralisme efficace que la France appelle de ses vœux.

Monsieur le président, mes chers collègues, force est de constater, que depuis l’an dernier, le nombre de crises dans le monde s’est accru de façon préoccupante. Les crises existantes perdurent, et parfois se ravivent comme au Proche-Orient. Des crises nouvelles sont apparues, en Centrafrique, en Libye et en Irak. Elles se font sentir jusqu’en Europe.

Sur de nombreux théâtres, le Mali l’an dernier, la Centrafrique et l’Irak cette année, la France a su prendre ses responsabilités. Ces crises nous rappellent que nous vivons dans le monde réel, et que notre approche du désarmement et de la maîtrise des armements doit se faire d’une manière réaliste, qui garantisse la sécurité de tous les Etats, selon les termes mêmes du document final de la session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au désarmement (SSOD 1).

Les derniers développements de la crise syrienne, tels qu’ils sont rapportés par la mission d’établissement des faits, montrent qu’hélas en 2014 des produits chimiques toxiques ont été utilisés comme des armes de manière systématique et répétée. L’utilisation d’hélicoptères ne laisse pas de doute quant à la responsabilité du régime de Damas. Cela soulève naturellement la question de la sincérité de la Syrie dans la mise en œuvre de ses obligations au titre du protocole de Genève de 1925, de la convention d’interdiction des armes chimiques (CIAC/CWC) et de la résolution 2118 du Conseil de sécurité.

Les crises de prolifération nucléaire demeurent naturellement au cœur de nos préoccupations. Elles sont un frein évident à la poursuite de nos efforts de désarmement nucléaire. Nous ne voyons pas d’avancée sur le cas de la Corée du Nord, qui a fait de la poursuite du développement de ses programmes balistique et nucléaire une priorité, en violation flagrante des résolutions du Conseil de sécurité.

Quant à la crise de prolifération nucléaire iranienne, la session de négociation de New-York, en septembre dernier, a été l’occasion de discussions détaillées et utiles mais les négociateurs iraniens ne sont pas revenus vers nous avec les gestes attendus pour permettre une avancée décisive, à deux mois de l’expiration de l’accord de Genève. Le temps est désormais compté. Nous pouvons encore parvenir à un accord et la France, au sein des Six, est engagée avec détermination dans la négociation. Mais l’Iran doit prendre les décisions nécessaires pour établir la finalité exclusivement pacifique de son programme nucléaire.

L’Europe enfin, notre continent que l’on croyait définitivement apaisé, est de nouveau en proie à des tensions. La crise ukrainienne et la violation du mémorandum de Budapest de 1994, adopté dans le cadre de l’accession de l’Ukraine au TNP, ont naturellement une portée très négative sur la sécurité internationale.

Monsieur le président, mes chers collègues, malgré la dégradation du contexte stratégique international que je viens de rappeler, le désarmement et la maîtrise des armements ont progressé en 2014. J’y vois la démonstration de notre engagement et de la bonne volonté de la très grande majorité d’entre nous.

J’ai rappelé il y a quelques instants l’entrée en vigueur prochaine du TCA, qui marquera une étape historique. Mais il y a d’autres avancées importantes à relever. Dans le cadre de la convention sur certaines armes classiques (CCAC/CCW), nous avons lancé une réflexion prospective sur la question des systèmes d’armes létaux autonomes (SALA/LAWS). Cela démontre la vitalité de cette convention, sa pertinence et sa capacité à se saisir des sujets émergents. Je suis fier d’avoir présidé en mai dernier la réunion d’experts dédiée à cette question. Cette réflexion est en bonne voie ; des convergences sont possibles. La France souhaite que ce travail se poursuive. Je plaiderai en ce sens en novembre lors de la réunion des Hautes Parties Contractantes. Par ailleurs, la France se réjouit de l’accession de l’Irak à la CCAC et à tous ses protocoles. Elle souhaite que ces récents progrès vers I’universalité de la Convention se poursuivent.

Il y a aussi des urgences pour lesquelles des solutions pragmatiques ont été avancées. Dans l’espace, les débris représentent une menace immédiate pour tous les Etats ; dans le monde d’aujourd’hui, la sécurité des activités spatiales est vitale pour tous. L’Union européenne propose un code de conduite qui peut être adopté très rapidement. Dans le domaine biologique, le développement rapide des technologies appelle des solutions innovantes.

Monsieur le président, mes chers collègues,

Le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) est la pierre angulaire du régime de non-prolifération et le fondement de nos efforts de désarmement nucléaire. Le plan d’action adopté par consensus en 2010 est notre feuille de route.

Naturellement, les Etats dotés doivent être à la hauteur de leurs engagements et la France est consciente de ses responsabilités à cet égard. Plusieurs avancées importantes ont eu lieu en 2014, notamment la remise de rapports nationaux selon une structure commune aux 5 Etats dotés, en application des actions 5, 20 et 21 du plan d’action, et la signature du protocole au traité instituant une zone exempte d’armes nucléaires en Asie Centrale. La France compte ratifier ce protocole avant la fin de l’année – dans les prochaines semaines Les travaux du P5 sur la rédaction d’un glossaire des termes nucléaires se poursuivent. Enfin nous nous tenons prêts à signer le protocole au traité instituant une zone exempte d’armes nucléaires en Asie du Sud-Est.

La feuille de route tracée par le plan d’action du TNP de 2010, constitue une approche commune, qui engage tous les Etats parties : l’approche « étape par étape ». C’est une séquence pour l’action multilatérale, avec d’abord l’entrée en vigueur du traité pour l’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et le lancement de la négociation du traité d’interdiction de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires (TIPMF/FMCT). Cette séquence est logique. Cette séquence ressort très clairement du plan d’action, en particulier de son action 15 qui appelle à démarrer sans délai la négociation du TIPMF/FMCT à la conférence du désarmement, conformément au document CD/1299 et au mandat qu’il contient.

De ce point de vue aussi, il nous semble que nous avons progressé. Le groupe d’experts gouvernementaux (GEG/GGE) mis en place par la résolution 67/53 a tenu ses deux premières sessions en mars et en août de cette année. A la Conférence du Désarmement également, des débats d’une substance sans équivalent depuis de nombreuses années ont été conduits, sur chacun des sujets à l’ordre du jour et en particulier sur le traité d’interdiction de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires (TIPMF/FMCT). Jamais nous n’étions allés aussi loin.

Mieux comprendre la position des uns et des autres, circonscrire les divergences au minimum, identifier des pistes possibles de compromis, tout cela est essentiel pour avancer. Ce n’est certes pas suffisant. Plus que jamais, notre objectif demeure de passer à l’étape suivante et de démarrer la négociation, conformément à la priorité que nous fixe l’action 15 du plan d’action du TNP, et en cohérence avec le document CD 1864, adopté en 2009 par la Conférence du désarmement. Il n’en reste pas moins que les débats conduits cette année à la CD permettent d’avancer dans cette direction. Il est important de prendre acte de ce progrès.

Monsieur le président,

La feuille de route du TNP adoptée par consensus en 2010 repose, je l’ai dit, sur une approche pragmatique, l’approche « étape par étape ». Il est important de mettre en œuvre cette feuille de route, et donc de s’y tenir, sans dévier de la voie tracée. Certains voudraient nous entrainer dans une tout autre voie, dans une approche idéologique, qui vise à stigmatiser et non à rechercher des solutions.

Ce n’est pas ainsi qu’on fera avancer le désarmement et la sécurité internationale. L’approche « étape par étape » est la seule qui soit réaliste et donc la seule qui nous permettra d’avancer. Cette approche est efficace : il suffit de se pencher quelque deux décennies en arrière pour voir les progrès accomplis. C’est le chemin que nous devons poursuivre avec détermination pour aller vers un monde plus sûr.

Je vous remercie, Monsieur le président.

Dernière modification : 26/02/2015

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