17 janvier 2017 - Moyen-Orient : Remettre le conflit israélo-arabe au cœur des priorités [en]

Débat ouvert sur le Moyen-Orient - Intervention de M. François Delattre, représentant permanent de la France auprès des Nations unies - Conseil de sécurité - 17 janvier 2017

Monsieur le Président,

Plus de 70 pays et organisations internationales se sont réunis à Paris ce dimanche 15 janvier pour appeler d’une seule voix à la relance d’un processus de Paix au Proche-Orient. Au nom du Président de la République, M. François Hollande, et du Ministre des Affaires étrangères, M. Jean-Marc Ayrault, je souhaite réitérer ici la reconnaissance de la France à tous les partenaires qui ont participé à cette rencontre, et qui ont nourri de leurs encouragements et de leurs idées un processus engagé par les autorités françaises voici bientôt un an.

Ce processus engagé par la France, qui a été ponctué par les conférences internationales du 3 juin et du 15 janvier, avait trois objectifs principaux qui se reflètent dans le communiqué conjoint adopté à Paris ce dimanche :

-  Le premier objectif était de remettre d’urgence le conflit israélo-arabe au cœur des priorités de la communauté internationale. L’absence de règlement du conflit israélo-arabe constitue en effet une menace permanente pour la sécurité internationale. Certes, le conflit israélo-arabe n’a pas été le conflit le plus meurtrier en vies humaines au Moyen-Orient au cours des dernières années. Mais les ingrédients qui ont déjà produit trois guerres en six ans sont toujours présents et actifs aujourd’hui et pourraient de nouveau mener, du jour au lendemain, à un embrasement, que ce soit à Jérusalem, à Gaza ou en Cisjordanie. De par son importance propre comme sa dimension symbolique, ce conflit non-réglé depuis plus de soixante-dix ans dépasse largement les frontières d’Israël et des territoires palestiniens, et toute escalade est porteuse d’un risque de déstabilisation régionale incontrôlable. C’est pourquoi nous ne pouvons accepter le statu quo – un euphémisme qui marque en réalité une régression quotidienne sur le terrain comme dans les esprits.

-  Le deuxième objectif du processus que nous avons mené était de réaffirmer une communauté de vision sur l’essentiel, à savoir l’attachement à la solution des deux États - qui est inséparable de la dénonciation de la politique de colonisation et de la condamnation sans merci du terrorisme et de la violence. Cette priorité réaffirmée à la solution des deux Etats est au cœur de la déclaration conjointe du 15 janvier et constitue plus que jamais notre boussole commune. Il était d’autant plus important et urgent de réaffirmer cette priorité commune que cette solution à deux Etats est menacée chaque jour davantage de s’évanouir, comme un mirage dans le désert, alors même qu’il n’existe aucune alternative crédible qui puisse répondre aux aspirations légitimes des deux parties. Ne l’oublions pas en effet : le meilleur gage de la sécurité d’Israël, pour laquelle vous savez l’engagement de la France, c’est une paix juste avec les Palestiniens, qui passe par la création d’un Etat palestinien viable et indépendant et donc par la solution des deux Etats.

Dans ce contexte, Monsieur le Président, la déclaration commune de Paris rappelle les fondamentaux qui s’imposent à nous tous, c’est-à-dire le cadre international de tout futur règlement : les frontières de 1967 et les principales résolutions du Conseil de sécurité. La préservation de la solution à deux Etats est également l’objectif de la résolution 2334 – une résolution importante, que les avancées continues de la politique de colonisation rendaient urgente et nécessaire.

-  Le troisième objectif de notre initiative était d’engager une démarche positive et incitative vers la reprise de pourparlers. Nous avons, pour ce faire, engagé avec tous les partenaires intéressés un travail approfondi de concertation, visant à définir des incitations positives, avec tous nos partenaires volontaires. Je tiens en particulier à remercier la Suède, l’Allemagne, la Norvège et la Commission européenne pour leur engagement très actif en ce sens. Ces incitations, pour faire court, se déclinent autour de trois volets principaux : (i) un volet économique d’abord, avec notamment la perspective d’un partenariat spécial privilégié avec l’Union européenne et une participation renforcée du secteur privé, qui est absolument essentiel ; (ii) le renforcement des capacités institutionnelles et étatiques de la partie palestinienne, ensuite ; (iii) le rapprochement enfin des sociétés civiles israélienne et palestinienne, afin d’améliorer le dialogue entre les parties – un dialogue indispensable-, de raviver le débat public et de rapprocher deux sociétés qui ont vocation à coexister. L’objectif de ces incitations est de rappeler aux parties combien elles ont intérêt à la paix, et combien la communauté internationale peut –et souhaite – les y aider.

Monsieur le Président,

La déclaration conjointe de la conférence du 15 janvier est donc le résultat d’un travail de longue haleine et d’une large mobilisation collective. Elle s’est nourrie de tous les efforts existants, notamment l’action du Quartet, l’Initiative arabe de paix, les initiatives de la Russie et de l’Egypte, le rôle essentiel des Etats-Unis bien sûr. Elle s’est construite en toute transparence vis-à-vis des parties, dont il est essentiel qu’elles démontrent par une action concrète sur le terrain leur attachement à la solution des deux Etats. Comme l’ont souligné à de nombreuses reprises les autorités françaises, il n’est naturellement pas question, et il n’a jamais été question, de dicter aux parties les termes du règlement de paix. Seules des négociations directes entre les Israéliens et les Palestiniens peuvent conduire à la paix. Mais la communauté internationale a un rôle irremplaçable à jouer pour créer, par les garanties et encouragements appropriés, le cadre adapté et le contexte propice pour la reprise de ces négociations. C’est bien le sens de l’initiative française, c’est bien le sens de la conférence de Paris, qui est une main amicale tendue aux parties.

Dans ce contexte, la déclaration conjointe du 15 janvier n’est évidemment pas le bout du chemin, c’est une étape nécessaire et importante vers la reprise du processus de paix. La situation sur le terrain exige que nous restions plus que jamais mobilisés pour aider les parties à progresser rapidement vers la voie d’un règlement. L’attentat odieux commis à Jérusalem le 8 janvier dernier, qui a coûté la vie à quatre jeunes soldats israéliens et que la France a aussitôt et vivement condamné, nous a rappelé combien la situation sur le terrain reste précaire. Comme le souligne la déclaration conjointe de Paris, il est donc essentiel de faire preuve d’esprit de responsabilité et de vigilance, et de veiller à éviter tout acte unilatéral qui enflammerait encore davantage la situation sur le terrain, à Jérusalem et ailleurs.

Monsieur le Président,

Je le répète, nous devons rester pleinement mobilisés en vue d’une reprise des négociations, et c’est pourquoi les participants à la conférence de Paris se sont engagés à se rencontrer de nouveau, au cours de cette année, pour évaluer les progrès accomplis et aller de l’avant. L’objectif est bien de recréer une dynamique politique positive fondée sur la solution des deux Etats, la seule à même de répondre aux aspirations des deux parties et d’assurer aux Palestiniens et aux Israéliens le droit de vivre, côte à côte, dans la paix et dans la sécurité. Nous en appelons à l’engagement résolu de tous nos partenaires, et notamment des membres du Conseil de sécurité, pour poursuivre ensemble sur ce chemin exigeant.

Monsieur le Président, chers collègues,

Assumons ensemble la responsabilité historique qui nous incombe au service de la paix au Proche-Orient. Je vous remercie.

Dernière modification : 15/03/2018

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