Le veto n’est pas un privilège, c’est une responsabilité [en]

Réunion ministérielle sur l’encadrement du recours au veto - Intervention de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international - 30 septembre 2015

Mesdames et Messieurs les ministres, chers collègues,

Je suis très heureux de vous accueillir très nombreux pour cette réunion. Au moment où je parle, 70 pays ont déjà signé notre initiative commune, ce qui constitue une progression importante. Je suis très heureux de vous accueillir nombreux à cette initiative sur l’encadrement du veto que nous avons organisée en particulier avec ma collègue mexicaine et amie, Claudia, que je veux remercier chaleureusement.

Nous allons organiser notre réunion ainsi. Dans un premier temps, nous allons entendre deux panélistes : M. Sidki Kaba, ministre de la Justice du Sénégal et président de l’Assemblée générale des États parties de la Cour pénale internationale, et M. Kenneth Roth, qui est le directeur exécutif de Human Rights Watch, que je remercie beaucoup. Ils vont eux aussi - c’est la contrainte commune- j’allais dire parler par onomatopées enfin en tout cas, faire des phrases sans beaucoup de compléments compliqués.

Et ensuite, après que les interventions de Claudia et de nos deux panelistes, nous donnerons la parole à certains d’entre vous -soyez gentils à notre égard - selon un ordre qui a été préétabli. J’espère qu’il n’y aura pas d’incidents diplomatiques trop graves. Mais on ne pourra pas donner la parole à tout le monde aussi chacun devra faire une intervention au maximum de deux minutes. Sur le fond, je vais m’appliquer à moi-même cette règle,

Je me rappelle, c’était il y a deux ans ici même lors de l’Assemblée générale des Nations unies, le président français avait proposé, et c’est le fond de notre initiative, que les membres permanents du Conseil de sécurité s’engagent volontairement, collectivement à ne pas recourir au veto en cas d’atrocités de masse.

Tout simplement parce que nous ne pouvons pas nous résigner à la paralysie du Conseil de sécurité lorsque des atrocités de masses sont commises et on le voit dans beaucoup de sujets dont le cas de la Syrie. L’idée centrale est que le veto n’est pas un privilège, c’est une responsabilité.

À l’époque, cette proposition avait été reçue - je cherche le terme diplomatique - poliment - parce qu’on est très polis - mais avec beaucoup de scepticisme. Aujourd’hui, il y a 70 nations, 70 pays dans le monde qui ont manifesté clairement leur appui en signant la déclaration que nous présentons ce jour. Et d’autres vont nous rejoindre dans les prochains jours. Donc, il faut que nous fassions notre travail de conviction pour aller plus loin. Le contenu, vous le savez, il s’agirait d’un engagement collectif et volontaire des membres permanents, donc sans modification de la Charte. Il faut des modifications par ailleurs de la Charte mais c’est tellement compliqué que nous souhaitons déjà être efficaces sur ce point.

Et puis, nous demandons au secrétaire général des Nations unies d’avoir à se prononcer, après avis notamment du Haut-commissaire aux droits de l’Homme, suite à une saisine d’un certain nombre d’États membres, 50 par exemple. Nous avons également - cela a été parfois diversement commenté - proposé une exception au titre des intérêts vitaux pour rassurer, si je puis dire, les membres permanents qui ne sont pas nécessairement très enthousiastes. Et cela a été suggéré en particulier par Kofi Annan et par les Elders.

Et puis, comme il n y a pas encore de consensus parmi les membres permanents du Conseil, nous avons décidé, nous les Français, d’aller plus loin. Peut-être l’avez-vous noté lundi dernier, le président français a annoncé solennellement que nous ne ferions pas usage de notre veto en cas de crimes de masse, cela a été dit officiellement. Et nous prenons notre engagement et nous pensons que cela est tout à fait normal. Je dois ajouter qu’en prenant cette décision forte, la France apporte son soutien à une initiative très importante et complémentaire à la nôtre, portée par une vingtaine de pays réunis au sein du groupe « Accountability, Coherence, and Transparency ». En adhérant à ce code de conduite, chaque État s’engage, dans le cas où il deviendrait membre du conseil de sécurité, à ne pas voter contre une résolution « crédible » en cas de crimes de masse. Cela devrait aider, du moins nous l’espérons, à renforcer la pression, sur les premiers intéressés, à savoir les membres permanents du conseil de sécurité.

Ce n’est pas contre la légitimité du Conseil de sécurité au contraire, c’est pour renforcer cette légitimité qui passe aussi nous le savons, par un élargissement nécessaire du conseil de sécurité, et que la France comme d’ailleurs le Mexique, soutiennent pleinement.

Je veux enfin saluer toutes les personnalités ici présentes, très nombreuses. Je ne peux pas le faire individuellement pour toutes mais si cela n’est pas embarrassant pour elle, je voudrais en particulier saluer la présence de Mme Amal Clooney qui nous fait la gentillesse d’être ici et qui pourra, dans tous les pays où elle exerce rayonnement et influence, nous aider sur cette cause juste.

Notre cause ne s’arrête pas aujourd’hui, nous devons poursuivre le travail de convictions. Nous le devons d’abord aux victimes. Je vous remercie.

Dernière modification : 19/01/2021

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